Ces Français contraints de payer des impôts... au fisc américain
Ils sont quelques milliers en France à bénéficier, sans l'avoir choisi, d'une double-nationalité pour la moins envahissante. Selon la législation en vigueur, les citoyens nés sur le sol américain doivent payer leurs impôts, même s'ils n'y ont jamais vécu.
Ils sont nés, à la faveur d'un hasard, d'un accouchement prématuré, sur le sol américain. Ils n'y ont pourtant, parfois, jamais vécu, jamais étudié, jamais travaillé et n'y sont même jamais retournés après leur départ. Ce sont des Américains accidentels, bénéficiaires d'une double nationalité qui peut se révéler très, très lourde à porter. En effet, le gouvernement américain applique une législation unique en matière d'impositions des particuliers.
Contrairement à la majorité des pays industrialisés, le fisc américain taxe les contribuables en fonction de leur nationalité et non de leur résidence. Tout citoyen doté de la nationalité américaine doit donc payer son dû à la société, quand bien même il ne résiderait pas sur le territoire. Pour faciliter la traque de ces "Américains" exilés, le Congrès américain a adopté une loi en 2010, le Foreign account tax compliance act (Fatca), qui oblige les établissements bancaires à transmettre les données de compte de leurs clients expatriés, s'ils détiennent plus de 50.000 dollars.
Gare aux plus-values immobilières
Ce dispositif a été acté en France à la faveur d'un accord signé avec Paris en 2013. Résultat: ces Franco-Américains, dont le nombre difficile à estimer s'élèverait entre plusieurs centaines et plusieurs milliers, sont sommés de régler des impôts alors même qu'ils s'en sont déjà acquittés, selon la législation en vigueur dans l'un des pays les plus taxateurs de l'Union européenne.
Dans les faits, les revenus sont difficilement taxables selon les critères américains car le taux d'imposition français est trop important pour qu'il reste quoi que ce soit à prélever. En revanche, la plus-value immobilière n'est pas imposée dans l'Hexagone alors qu'elle l'est outre-Atlantique. Les Franco-Américains peuvent donc être passibles de poursuites judiciaires aux Etats-Unis s'ils ne règlent pas cet impôt spécifique au fisc américain.
Un cas a particulièrement mis en lumière cette situation ubuesque. L'ancien maire de Londres, Boris Johnson, a dû s'acquitter d'une taxe, estimée entre 33.000 et 100.000 livres, liée à la plus-value réalisée sur la vente de sa maison londonienne. Né à New York, le fer de lance du Brexit a quitté les Etats-Unis à l'âge de 5 ans, ce qui n'a pas empêché le puissant Internal revenu service (IRS) de se rappeler à son bon souvenir.
Renoncer à la nationalité, un parcours du combattant
Un Français, Fabien Lehagre, s'est retrouvé au cœur d'un imbroglio bureaucratique dont il se serait bien passé. L'Obs raconte son histoire dans un long portrait fouillé de ce cadre d'une entreprise de bouteilles de gaz, né aux Etats-Unis en 1984, mais qui a quitté le territoire avec son père dès l'âge de 18 mois. La BNP-Paribas a, comme le prévoit l'accord, transmis ses agissements financiers au fisc américain. Il est désormais dans le viseur de l'Oncle Sam, alors qu'il ne parle pas anglais et n'a ni numéro de Social sécurity, rendu obligatoire après son départ des Etats-Unis, ni certificat de non-nationalité.
"J’ai découvert le problème que vivaient déjà de nombreux Canadiens, certains se retrouvant ruinés à cause de pénalités appliquées rétroactivement", raconte-t-il à nos confrères. "Je lisais des mots comme 'federal crime'. J’ai vraiment pris peur. J’étais au 36e dessous."
Le jeune trentenaire, dépité par les démarches à effectuer pour renoncer à la nationalité américaine (frais d'avocat, frais administratifs, preuves justificatives démentielles...), a décidé de fonder un collectif, les Américains accidentels. Leur mission: alerter les pouvoirs publics pour obtenir la simplification des procédures de renonciation à la nationalité américaine. Pour l'heure, les députés Karine Berger (PS) et Pierre Lelouche (LR) ont livré un rapport parlementaire sur l'extraterritorialité du droit américain qui mentionne le cas de ces Américains accidentels. Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, va conduire ce mercredi 14 décembre une réunion où seront évoqués les tenants et aboutissements de cette situation intenable ainsi que les solutions concrètes à mettre en oeuvre.
Mathilde Joris
Tax Day maneuvering
https://www.politico.com/newsletters/morning-tax/2018/04/17/tax-day-maneuvering-173611